La danse, la tradition et le patrimoine, le makossa représente la vitrine culturelle du Cameroun.
- Manu Dibango, un musicien emblématique du Makossa au Cameroun. (ph) Manu Dibango
La danse, la tradition et le patrimoine, le makossa représente la vitrine culturelle du Cameroun.
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Manu Dibango, l’un des musiciens de Makossa du Cameroun. (ph) Manu Dibango
Les origines du makossa
Né entre 1952 et 1962, le makossa est une danse créée par Nelle Eyoum, inspirée de l’ambassbey, l’assiko bassa, l’essewe et le bolobo.
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Le mot makossa provient de M’akossa, signifiant les contorsions, et de Kossa, des cris d’encouragement pour stimuler l’enthousiasme des musiciens et des danseurs.
Les artistes majeurs du makossa
Les figures marquantes du Makossa peuvent être classées en quatre phases : 1956-1966, 1966-1976, 1976-1986, et de 1986 à aujourd’hui. La première période correspond à la création de son identité par Nelle Eyoum, Lobe Lobe Rameau et Mouelle Guillaume, tandis que la deuxième marque son évolution et son enrichissement orchestral avec des artistes tels que Manu Dibango, Francis Bebey, Ekambi Brillant, Toto Guillaume, Ebanda Manfred et Eboa Lottin.
La période de 1976 à 1986, marquée par une hégémonie incontestable, évoque l’« Équipe Nationale de Makossa » incarnée par Manu Dibango, Slim Pezin, Jean Dikoto Mandeng, Vincent Nguini, Toto Guillaume, Aladji Touré, Jean Claude Naimro, Ebeny Donal Wesley, Jimmy Mvondo Mvele, Belinga Ben’s, Freddo, Jean-Marie Ahanda. Cette ère a vu naître et propulser des artistes tels que Dina Bell, Ben Decca, Nkotti François et Bella Njoh.
La génération des années 90 et 2000 voit l’émergence de nombreuses écoles soutenant Toto Guillaume et Aladji Touré. Cette période est marquée par l’essor de la musique assistée par ordinateur, représentée par Albert Broeuk’s, ainsi que par des bassistes renommés tels qu’Etienne Mbappé, Noel Assolo et Richard Bona. Elle met également en lumière des chanteurs comme Jean Pierre Essome, Hugo Nyame, Séba Georges, Petit Pays, Charlotte Mbango, Rachelle Tsoungui, Bébé Manga, Nadia Ewande, Coco Mbassi, Sissi Dipoko, Rosy Bush, Nguéa la Route, Charlotte Dipanda, Samy Diko, Sergeo Polo, Njohreur, Jacky Kinguè et Guy Manu.
Le triomphe du makossa au Cameroun
L’essor du makossa a été décuplé au Cameroun par l’avènement de la télévision, qui a diffusé des influences étrangères. Ces rythmes venus d’ailleurs ont marqué sa structure musicale, l’amenant à frôler les sommets de la renommée. Le gospel et le chant classique des églises baptistes de Douala ont contribué à la formation de Doumbé Eyango et Lottin A Samé, qui ont influencé à leur tour Manu Dibango et Eboa Lottin. La musique high-life, qui a émergé entre 1920 et 1930 au Ghana, a apporté une dimension « guitaristique » au makossa. Enfin, le merengue dominicain des années 1950-1960 est devenu une nouvelle source d’inspiration pour lui.
Dans le pays voisin du Congo, la rumba inonde l’Afrique et remodèle le makossa avec Nico, Franco et l’orchestre Cercul Jazz de Brazzaville. Le Funky Disco, représenté par de grandes stars comme James Brown, apporte de la fraîcheur au makossa avec des cuivres, de nouveaux rythmes de batterie et des lignes de basse innovantes. La fusion de ces deux styles se traduit même par l’adoption de noms de scène américains par des artistes locaux tels que Blacks Styles et Georges Dickson.
Ces facteurs ont renforcé son emprise nationale, notamment avec l’émergence de la Cameroon Radio and Television (CRTV) en 1985, qui a bénéficié d’un monopole de diffusion jusqu’aux années 90. Cette influence a été soutenue par l’Équipe Nationale du Makossa, qui a contribué au succès de nombreux artistes comme Ben Decca et Bell à Njoh.
Le triomphe planétaire du Makossa
Le Makossa a conquis le monde grâce à la qualité de sa musique, à l’expatriation en France et à l’émergence de la radio. Entre 1976 et 1986, le Makossa n’était plus simplement une musique figée, jouée avec 2 ou 3 accords parfaits en gamme majeure, de préférence en Sol. En côtoyant d’autres rythmes, il s’est enrichi du style de jeu « finger picking ». Trois guitares, une batterie, des percussions, un synthétiseur, des cuivres, parfois même un orchestre philharmonique ont apporté de nouvelles nuances à l’orchestration. Le Makossa a marqué sa présence à la Berklee School of Music à New York, où ses lignes de basse ont été enseignées entre 1970 et 1980.
Le succès international du makossa est également attribuable à la prolifération des maisons de disques en France. Parmi celles-ci, on peut citer Awards International Record, Afro vision Paris, Bbz production, Disques Jojo, Disques Tourena, Dragon Phénix, Eddy’son, Ebeny Record Production, Eyab’s, Fiesta. En outre, l’impact d’Africa no1, la première radio gabonaise internationale créée en 1981, est notable, diffusant le makossa en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord à travers son programme Africa-son.
L’état présent et futur du makossa
Si son expansion en Europe a favorisé son ascension, cette même expansion pourrait bien lui être fatale. Les styles musicaux locaux risquent d’être marginalisés au profit des styles étrangers. L’équipe nationale du Makossa, qui a contribué à la création de grandes stars, est en crise à cause d’un désaccord entre Aladji Touré, défenseur d’un Makossa moderne, et Toto Guillaume, partisan d’un Makossa plus authentique. Ce conflit a donné naissance à des écoles où persiste cette opposition. Cette situation a entraîné une baisse de la production de Makossa, affectée par la crise de la gestion des droits d’auteur.
Néanmoins, le makossa continue son avancée. Des talents tels que Richard Bona, André Manga, Vincent Nguini, Etienne Mbappé, Charlotte Dipanda, Henry Dikongue, Coco Mbassi vont lui insuffler un nouvel élan.
L’impact socioculturel du makossa
Le makossa a influencé d’autres genres musicaux tels que le bikutsi. En effet, c’est grâce à lui que l’influence de la guitare de la musique highlife s’est fait ressentir dans le bikutsi. Du makossa ont émergé des sous-genres comme le mangabolo, le bikutsi makossa, l’ambassbey-makossa, l’assiko-makossa. Son interaction avec d’autres rythmes internationaux a donné lieu à des variantes telles que le soul makossa, la salsa makossa, le reggae makossa, le disco makossa, le funky makossa, le makossa pop, le makossa zouk, le soukous makossa, le makossa jazz, le zingué, et l’afro pop.
Le makossa inspire la mode kaba ngondo, un habit traditionnel douala très recherché. Dina Bell introduit le port du chapeau appelé « casquette » Dina Bell, tandis qu’Ekambi Brillant donne son nom à une nouvelle chaussure en polyester baptisée « Ekambi ». Manu Dibango, dont le morceau Soul Makossa a été piraté par Michael Jackson sur l’album Thriller, inspire le Toyota makossa, grâce à une promotion que l’artiste camerounais a faite pour une célèbre marque de voiture japonaise très populaire au Cameroun.
Vue d’ensemble discographique du makossa
Nous évoquons ici quelques albums emblématiques de makossa parus au Cameroun. « Scène from my life » de Richard Bona, sorti en 1999, « African soul » de Manu Dibango, publié en 1972, « Mispa » de Charlotte Dipanda, lancé en 2008, « C’est la vie » d’Henry Dikonguè, sorti en 1997, « Bwanga bwan » de Ben Decca, publié en 1995, et « Salamalekum » de Petit Pays, paru en 1988. Comme illustré ci-dessus, le makossa constitue un élément essentiel du patrimoine culturel camerounais et africain. Malgré que certains artistes camerounais soient amenés à explorer d’autres genres musicaux pour des raisons commerciales, ils restent fidèles au makossa, la musique de leur terre natale.
[i] La danse traditionnelle de la baie d’Ambas, située au large de Douala, [ii] Le Makossa utilise des cadences syncopées et rapides, modulées par un ralentissement du tempo. [iii] C’est une danse funéraire douala qui s’inspire du mouvement de balancement du corps. [iv] Cette danse initiatique pour les futurs époux s’enrichit de thèmes et de chorégraphies spécifiques. [v] Jean Maurice Noah, « Le Makossa, une musique africaine moderne », L’Harmattan, Paris, 2010, p. 23. [vi] Ibid., pp. 63-70. [vii] Ibid. [viii] Auteur-compositeur et ingénieur, il déplace son studio Dobell 16 de Paris à Douala. [ix] Jean Maurice Noah, « Le Makossa, une musique africaine moderne », p. 33, Paris, L’Harmattan, 2010. [x] Ibid., p. 34. [xi] Ibid., p. 35. [xii] Ibid. [xiii] Ibid., p. 36. [xiv] Ibid., p. 37. [xv] Artiste de l’année 1987. [xvi] « Mambo Penya », meilleur clip en 1989, nominé par la CRTV. [xvii] Jean Maurice Noah, « Le Makossa, une musique africaine moderne », p. 44, Paris, L’Harmattan, 2010. [xviii] Vicky Edimo est un exemple parmi les musiciens Makossa qui introduit le doigté funky. [xix] Ibid., p. 125. [xx] Ibid., p. 135. [xxi] En effet, après une succession de plusieurs sociétés de gestion collective comme SOCINADA, SOCILADRA, CMC, SOCAM, la gestion des droits des artistes reste confrontée à la corruption et à l’incompétence des administrateurs. [xxii] Ibid., p. 52. [xxiii] Rythme actuellement populaire au Nigeria. [xxiv] Ibid., p. 96. [xxv] Ibid., p. 98.