Comment est né le chef-d’œuvre « Birima » de Youssou N’Dour

« Birima » de Youssou N’Dour est une composition incomparable parmi les œuvres du roi du Mbalakh. Ce chef-d’œuvre, avec sa mélodie captivante et son rythme distinctif, a été créé de manière singulière. C’est l’une des pièces qui démontre que l’enfant de la Médina fait partie des artistes remarquables, capables de maîtriser leur voix et de transcender toutes les situations.

(Photo) : Youssou N’Dour

L’histoire bien connue du roi qui apporta la joie.

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La chanson évoque le règne de Birima Ngoné Latyr Fall, qui a dirigé le royaume du Cayor de 1855 à 1859 en tant que Damel du Cayor. Le Cayor, situé à l’ouest du Sénégal actuel, était un royaume précolonial. Birima se distingue par le fait qu’il a occupé le trône avant son père, qui lui succéda quatre ans plus tard.

Selon les griots généalogistes, ce monarque avait un profond amour pour son peuple, si bien qu’il gagna le respect et l’admiration de tous les habitants du royaume, qui le surnommèrent « Borom mbaboor mi » (le porteur de joie).

D’une bienveillance légendaire, il abordait chacun avec respect, qu’il s’agisse des classes moyennes ou des plus démunis. Il attachait également une grande importance au respect des promesses.

C’est pourquoi il existe de nombreuses chansons populaires wolofs à son sujet : « Birima fu mu yendu, kufa yendu, yendo naan » (là où Birima passe sa journée, c’est la fête). « Birima ma ca been baat ba, bu waxe ren, ba laa waxaat dewen » (celui qui ne dit qu’une seule parole).

Bien que son règne ait été bref, il a marqué de manière indélébile le royaume du Cayor et la société wolof dans son ensemble. Encore aujourd’hui, ses louanges sont chantées au Sénégal.

Youssou N’Dour est fasciné par la légende du roi Birima

En 1992, la maison de disques Saprom de Youssou N’Dour a lancé l’illustre cantatrice Ndèye Mbaye Djinma Djinma, qui possède une connaissance profonde de l’histoire ancestrale du roi Birima. Youssou a participé à la création du morceau « Damel Fall », un hommage que la griotte a offert au souverain. Cette collaboration marque la première « rencontre » entre Youssou et Birima.

Youssou ne chante qu’un seul refrain dans la chanson : « Birima fu mu yendu, ma yendu fa, ma yendo naane. » (partout où Birima passe la journée, j’y serai pour boire et manger à volonté), mais dès ce moment-là, ce refrain ne le quittera plus jamais. Il le portera pendant près de quatre années.

La saga royale se transforme en une mélodie envoûtante sous la plume de Youssou N’Dour.

En l’an 1996, c’est grâce au rythme envoûtant, soutenu par Ndèye Mbaye Djinma et Jimi Mbaye, que Youssou N’Dour trouve l’inspiration pour coucher sur papier ce qui deviendra le célèbre tube « Birima ». D’ailleurs, Jimi et Ndèye Mbaye sont reconnus comme les auteurs-compositeurs de cette chanson emblématique.

Youssou N’Dour et son groupe Super Étoile vont saisir l’occasion de la conclusion de la tournée « Jololi Review » pour interpréter « Birima » à Bruxelles (Belgique) lors de la création de l’album Lii prévu pour le marché africain.

La tournée européenne « Jololi Review » de Youssou, réalisée en 1996, était principalement acoustique et comptait la participation de Cheikh Lô (qui a notamment contribué à tous les chœurs de l’album), de Yandé Codou Sène, ainsi que de son ami le claviériste-arrangeur français Jean-Philippe Rykiel, qui a apporté sa touche à chaque titre.

Juste avant la tournée, un événement qui aura une influence indirecte sur la chanson va se produire. Jean-Philippe partage : « Juste avant de partir, pendant les répétitions, j’apprends la triste nouvelle du décès d’un de mes amis très chers, Mamadou Diallo, un conteur sénégalais avec qui je venais juste de terminer un enregistrement. J’étais tellement bouleversé que j’ai suggéré à Youssou de me laisser à Dakar, prétextant que dans mon état, je ne serais d’aucune utilité. ‘C’est hors de question’, m’a-t-il répondu d’un ton autoritaire, mais sans élever la voix. ‘Tu vas sombrer dans la tristesse si tu restes ici, viens avec nous, nous serons tous là pour toi, autour de toi!’. »

Il disait la vérité, car dès qu’il me voyait triste, il me réconfortait, partageant ses propres histoires de perte d’amis avec une empathie sincère. Nous voyageions ensemble dans le même autocar, séjournions dans les mêmes hôtels, et je n’ai jamais observé en lui, du moins à l’époque où nous nous fréquentions, un comportement de vedette, ce qui ne faisait qu’accroître mon admiration pour lui.

Le triomphe sensationnel de « Birima »

« « Birima » voit le jour en 1996 dans l’album Lii, spécialement conçu pour le marché sénégalais et africain en général. À mon avis, il s’agit de l’un des albums les plus remarquables de Youssou. »

Doté d’une qualité sonore remarquable, il mêle habilement simplicité, délicatesse, vigueur et subtilité. Chaque instrumentiste y déploie tout son talent. À l’écoute, on ressent clairement l’ardeur des musiciens à contribuer à cette pièce musicale.

Toutes les chansons sont tout simplement extraordinaires. Youssou brille particulièrement vocalement, surtout sur « Sunu Yaye » et « Birima », qui deviennent rapidement des succès majeurs à la radio.

Cette chanson unique charmera le public et connaîtra un succès énorme.

Qu’est-ce qui rend « Birima » une œuvre magistrale ?

La mélodie et les paroles de « Birima » trouvent leur source dans le riche répertoire des griots wolofs, une ethnie sénégalaise. Dans cette chanson, Youssou explore l’héritage transmis par sa mère, qu’il associe à ses racines et à diverses influences. Le chant traditionnel des griots se mêle à ses inspirations pour créer une composition unique et originale.

La majorité de ses chansons s’inspirent de cette source, et « Birima » ne fait pas exception. Cependant, la façon dont Youssou et ses musiciens dépassent les limites de cette tradition élève ce morceau à un niveau supérieur.

« Birima » se distingue par une des introductions les plus mémorables de la musique sénégalaise. Cette ouverture, envoûtante et inoubliable, est signée par la guitare de Jimi Mbaye. Elle est rehaussée par la guitare rythmique électro-acoustique de Pape Omar. Le morceau se démarque également par un groove subtil, incessant et ingénieux, qui génère une sensation et une dynamique uniques.

La contrebasse exceptionnelle de Habib Faye, les percussions de Mbaye Dièye, la batterie de Galass, ainsi que les chœurs de Ouzin Ndiaye et Cheikh Lô sont harmonieusement arrangés pour que la chanson soit inoubliable et laisse une empreinte durable dans l’esprit des auditeurs.

L’ensemble est sublimé par la voix exceptionnelle et envoûtante de Youssou, nous faisant voyager au cœur profond du Sénégal. Le point culminant du morceau réside dans le solo de claviers, à la fois extraordinaire et mélancolique, de Jean-Philippe Rykiel, suivi du solo vocal sublime de Youssou.

Lors de son solo, dont les sonorités rappellent celles du xalam, Rykiel songeait à son ami conteur, Mamadou Diallo, disparu peu avant leur départ. La mélancolie qui en émane est palpable. En effet, il dédie ce morceau à la mémoire de son cher ami défunt. En écoutant cette section, une intense émotion nous envahit.

Concernant ce solo, Jean-Philippe, empreint de nostalgie, raconte : « Youssou ne connaît pas la fatigue, et Habib était pareil. Je me rappelle une nuit en Allemagne, après un concert, nous étions de retour à l’hôtel, et ils travaillaient sur le premier titre de l’album.

Habib configurait la boîte à rythmes, et discrètement, je me suis approché de l’appareil pour y ajouter un détail qui manquait à mes oreilles, juste une petite touche. Leur réaction a été de rire aux éclats tous les deux. Ensuite, je suis allé me coucher, et j’imagine qu’ils ont continué à travailler toute la nuit.

Nous avons profité de nos jours de repos pour répéter les nouvelles chansons à l’hôtel dans un petit studio, ainsi que pendant les balances les jours de concert. Cependant, l’enregistrement a eu lieu à Bruxelles. Cela n’a pris que trois jours, car les morceaux étaient déjà bien au point.

J’ai quitté Youssou Habib et les autres à Bruxelles et je suis retourné à Paris un mardi après-midi. C’est ce même matin que j’ai enregistré le solo. Peu connaissent cette histoire, mais ce solo porte en lui le souvenir de mon ami, Mamadou Diallo. C’est à lui que je rends hommage.

Une fois rentré chez moi, un coup de téléphone retentit. Nous étions en 1997, les numéros et les noms des appelants n’apparaissaient pas encore sur les combinés. Je réponds, et j’entends mon prénom, enveloppé par des cris d’enthousiasme de toute la bande : « Jean-Phi, notre cher Jean-Phi, notre cher ». Cela a vraiment réchauffé mon cœur, je suppose que cela a beaucoup contribué à surmonter la perte de mon ami. Pour toi, Mamadou Diallo, Pour toi, Habib Faye ! ».

Le morceau « Birima » reste intemporel et nous touche toujours, car, selon Emmanuel Kant, « la musique est le langage des émotions ». Il n’a pas vieilli avec les années, continuant à nous émouvoir.

Ce qui captive le plus dans cette chanson, c’est sa capacité, grâce à son rythme et sa mélodie, à s’ancrer dans les esprits et à traverser les époques.

Depuis 1996, aucune autre chanson de Youssou n’a réussi à égaler la perfection de « Birima ». C’est un succès intemporel, un véritable chef-d’œuvre qui reste inégalé.

Artiste : Youssou N’Dour
Titre : « Birima »
Année / Label : 1996 / Jololi

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