Les données socio-historiques concernant l’origine des Gnaouas sont encore aujourd’hui sujettes à débat. Les interprétations divergent entre les chercheurs et les intellectuels, notamment en ce qui concerne l’étymologie du terme « gnaoua ». Ainsi, Delafosse pensait que le mot « gnaoui » était un dérivé du terme « guinéen », associant ainsi les Gnaouas à cette région. Il a également lié « gnaoua » à l’expression amazighe « akal-n-iguinaouen », qui faisait référence à la « garde noire » de Moulay Ismail de l’ancien empire du Soudan (Sénégal, Guinée, Niger, Mali, etc.).
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Le président Senghor, quant à lui, soutenait que le terme « gnaoua » provenait de « Ghana », en référence à l’ancien empire du Ghana.
Majid Bekkas jouant du guembri (Photo) : MajidBekkas.andcamp.comr
Il est certain que l’histoire des Gnaouas est indissociable de la période de la traite des esclaves et de l’esclavage en Afrique subsaharienne du VIIIe au XIXe siècle. Les marchands d’Afrique du Nord ramenaient des esclaves de diverses origines géographiques et culturelles, dont beaucoup étaient intégrés « dans de grandes familles de commerçants ou au service du sultan chérifien (comme membres de la garde royale ou comme soldats) ».
Toutefois, affirmer que tous les Gnaouas sont « noirs », esclaves, arabes ou musulmans n’est pas entièrement exact. À Essaouira, par exemple, il y a des Gnaouas berbères et juifs. Il existe aussi d’autres confréries similaires aux Gnaouas dans d’autres pays d’Afrique du Nord. En Tunisie, les « gnaouas » sont appelés Stambali, en Égypte, ils sont appelés Zar et en Algérie, ils sont nommés Diwane. Comme les Gnaouas, ces confréries sont considérées comme « descendantes d’anciens esclaves », mais elles se distinguent des Gnaouas par des traits résultant du métissage avec leurs pays d’accueil.
Une musique étroitement associée aux rites.
Au Maroc, les Gnaouas ont été stigmatisés et marginalisés pendant longtemps en raison de leurs rituels dérivés des pratiques animistes sahéliennes. De nos jours, certains de ces rituels sont encore présents dans les lilas (veillées ou nuits), mais ils sont désormais imprégnés de références soufies islamiques. Les lilas étaient le premier espace de représentation des musiciens gnaouas, bien avant l’apparition des festivals ou des soirées dédiées à la musique gnaoua.
Elles sont organisées soit à des fins thérapeutiques pour traiter les malades, soit pour les personnes possédées, ou encore pour les amateurs de musique gnaoua. Autrefois, ces cérémonies duraient trois jours, mais de nos jours, elles se déroulent sur deux jours, dont l’un est consacré à la « Dbiha », moment où l’on sacrifie des moutons, et le deuxième à la célébration musicale.
Assister à une lila est la meilleure façon de comprendre les rites des Gnaouas et d’explorer leur musique et leurs danses. Cette cérémonie, généralement organisée pendant le mois de Chaâbane (le mois précédant le ramadan) par les « moqadma » (voyantes-thérapeutes), se déroule en quatre phases : le sacrifice (Dbiha), la séance récréative (Kouyou), la parade d’ouverture (l’Aada) et enfin les danses liées aux rites de possession (Mlouk). Pendant la lila, on utilise également sept types d’encens, des bougies, des dattes et de l’eau. La « moqadma » ou le moqadem veille sur les invités/clients et allume les encens.
Les ensembles de gnaouas se forment souvent avec 6 à 12 artistes. Dirigés par le Maâlem, qui manie le guembri, un instrument évoquant le luth traditionnel à trois cordes et fondamental dans la création du rythme. Les autres musiciens, les « Koyo », s’expriment avec les krakeb (crotales) et la guedra (grand tambour).
En tant qu’initiatrice principale, la « moqadma » occupe une place centrale car elle détient la chronologie des « Mhalla ». Ces dernières représentent les chants et les rythmes gnaouas destinés à un ensemble de Mlouk (esprits). Chaque Mhalla est marquée par des rituels et des teintes distinctes : le blanc pour les Mlouk de Moulay Abdelkader, le noir pour Sidi Mimoun, le bleu ciel pour Sidi Moussa, le multicolore pour Bouhali, le rouge pour Ouled Belahmer, le bleu pour Malin lghaba, le jaune pour Lalla Aicha, le violet pour Lalla Malika, le rouge pour Lalla Meryeme la berbère et enfin le vert pour Mlouk Chourafa.
Lors des périodes de lilas, les Maâlems parcourent les 7 « Mhalla » existantes, qui forment l’ensemble du répertoire musical gnaoua. Pendant ce temps, les adeptes présents se lancent dans une danse qui les mène jusqu’à la transe (Jedba). Les Mhalla sont jouées à travers tout le Maroc, avec des variations dans l’ordre des morceaux selon les régions. Les chansons gnaouas évoquent les Mlouks (les esprits), la nature, les invocations et les louanges à Allah et au prophète. Elles racontent également l’histoire des esclaves et des anciens maîtres (Maâlems) des Gnaouas.
Avant d’être couronné Maâlem, le musicien gnaoua doit collaborer avec les maîtres éminents, écouter attentivement, se perfectionner et assimiler. L’ascension au rang de Maâlem était jadis conditionnée par l’héritage de cet art ou l’origine de familles d’anciens esclaves. Aux lilas, les enfants et les individus ayant consommé de l’alcool étaient exclus. Les enregistrements vidéo étaient également interdits.
Parmi les Maâlems les plus célèbres, on peut citer Hmida Boussou, l’un des plus grands Maâlems gnaouas de la deuxième moitié du XXe siècle. Né en 1939, il est issu de la tribu des Boussous, établie sur les rives du lac Tchad et déplacée en Mauritanie par les Touaregs. Il est décédé en 2007 après avoir fondé, dans les années 90, la troupe « Boussou Ganga » pour préserver le patrimoine gnaoui. Avec cette troupe, Hmida Boussou a effectué des tournées internationales jusqu’à la fin de sa vie. Son fils, Hassan Boussou, a maintenant pris la relève et travaille à préserver le style gnaoui marrakchi authentique.
Maâlem Mahmoud Guinea est également connu comme l’une des plus éminentes figures de la musique gnaoua. Il est né à Essaouira en 1951 et a rendu son dernier souffle en 2015. Ce chanteur est d’ascendance malienne, descendant de son grand-père paternel qui fut vendu comme esclave au Sahara. Dès l’âge de 12 ans, il maniait déjà le guembri et a participé à sa première Lilla à l’âge de 20 ans. La lignée Guinea est célèbre pour avoir marqué l’histoire de la musique gnaoua de génération en génération. Son père, Boubker Guinea (1927-2000), était lui-même un grand Maâlem. Aujourd’hui, c’est son fils Houssam Guinea qui porte l’héritage familial.
Hamid El Kasri, l’un des Maâlems les plus recherchés de nos jours, tant au Maroc qu’à l’étranger, a été initié dès l’âge de sept ans par les Maêlems Alouane et Abdelouahed Stitou. Son amour pour l’art gnaoua a été enflammé par le mari de sa grand-mère, un ancien esclave soudanais. Un habitué des festivals de musique gnaoua et du monde, il a partagé la scène avec des artistes de renom tels que le grand pianiste autrichien Joe Zawinul, Susheela Raman et Hamayun Kahn.
Tout comme le blues américain, la musique Gnaoua adopte une structure pentatonique. Elle présente des analogies captivantes avec diverses expressions musicales africaines, que ce soit dans les styles vocaux ou dans ses motifs rythmiques. Cette forme musicale puise ses racines dans une tradition ancestrale, transmise de génération en génération par voie orale.
Le festival gnaoua d’Essaouira joue un rôle vital dans la promotion de la musique et de la culture africaines, en rassemblant des artistes et des passionnés de musique du monde entier pour célébrer la richesse et la diversité des traditions musicales gnaoua. En plus de son aspect festif, le festival offre également une plate-forme pour le dialogue interculturel et l’échange artistique, renforçant ainsi les liens entre les différentes communautés et favorisant la compréhension mutuelle à travers la musique.
Né en 1998 sur l’impulsion de la ville d’Essaouira et de membres de la société civile, le festival de Gnaoua et musiques du monde célèbre l’art des Gnaouas, offrant ainsi aux lilas l’opportunité de briller sur scène et de sortir de l’ombre de l’anonymat pour se produire sous les feux de la rampe.
Depuis son commencement, le festival, couronné de succès, a ouvert les portes de la reconnaissance publique aux Maâlems, tout en leur offrant une vitrine sur le marché mondial de la musique grâce à leurs collaborations avec des artistes internationaux.
Actuellement, les artistes gnaouas sont incontestablement les plus sollicités pour des collaborations fusionnant avec divers styles musicaux (comme le jazz, qui s’harmonise parfaitement avec la musique gnaoua). Parmi les talents internationaux ayant déjà partagé l’expérience de collaboration avec ces musiciens, on peut citer Robert Plant, Jimmy Page, Randy Weston, Fatoumata Diawara, Snarky Puppy, Cheikh Tidian Seck, Sibiré Samacké, Joe Zawinul, et bien d’autres encore.
En 2019, suite à une décennie de combat mené par des militants de la société civile, des autorités publiques et la communauté gnaoua, l’art gnaoua a été officiellement ajouté à la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Cet événement marque une avancée majeure dans la protection et la promotion de cette forme d’expression culturelle à l’échelle mondiale.
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